Dr Stéphanie DUQUENOY
Cardiologue INTERCARD
Téléphone : 03 20 34 00 00
Qu’est-ce que la cardio-oncologie ?
La cardio-oncologie est une thématique interdisciplinaire récente à développement rapide intéressant le domaine de la cardiologie et de l’oncologie.
Ce nouveau domaine médical a pour objectif d’améliorer la prise en charge des patients ayant un cancer afin de prévenir, de dépister et de réduire l’impact cardio-vasculaire des traitements anti-cancéreux (chimiothérapie classique, thérapie ciblée, immunothérapie, radiothérapie, hormonothérapie…). Il permet également aux patients ayant des antécédents cardio-vasculaires de pouvoir bénéficier d’un traitement anti-cancéreux en essayant de prévenir ou de limiter la déstabilisation d’une éventuelle maladie cardiaque par celui-ci.
L’augmentation de l’incidence des cancers s’accompagne d’une amélioration de leur pronostic au prix d’une cardiotoxicité fréquente liée aux traitements anti-cancéreux pouvant toucher jusqu’à 30% des patients.
L’objectif d’une consultation de cardio-oncologie est de mettre en place une stratégie de cardioprotection au service de la santé du patient.
Pourquoi une consultation de cardio-oncologie peut être demandée avant et pendant un traitement anti-cancéreux ?
Le cancer et les maladies cardio-vasculaires sont les deux causes les plus fréquentes de morbi-mortalité en France. En effet, les facteurs de risque de développement d’une maladie cardio-vasculaire et d’un cancer sont pour la plupart communs (tabac, sédentarité, obésité, alcool…). Les maladies cardio-vasculaires sont souvent plus fréquentes et plus graves chez les patients atteints d’une maladie cancéreuse.
Ainsi, le traitement anti-cancéreux (chimiothérapie, radiothérapie…) peut parfois être toxique pour le système cardio-vasculaire dans son ensemble entrainant hypertension artérielle, accélération de l’athérome (dépôt de cholestérol dans les artères), développement de thrombose veineuse (caillot dans les veines), troubles du rythme cardiaque… selon le traitement reçu et quel que soit la localisation du cancer.
Il est donc nécessaire qu’oncologue et cardiologue travaillent ensemble pour la prise en charge globale du patient atteint de cancer.
Dans certains cas, l’oncologue demandera une consultation cardiologique avant l’initiation du traitement oncologique.
Cette consultation permettra de déterminer :
- Les facteurs de risque cardio-vasculaire,
- De dépister une maladie cardio-vasculaire,
- De déterminer les facteurs de risque de cardio-toxicité à la chimiothérapie,
- De ne pas méconnaitre une contre-indication cardiologique à la chimiothérapie
- D’optimiser la prise en charge des facteurs de risque cardio-vasculaire,
- D’optimiser éventuellement la thérapeutique cardio-vasculaire avant la chimiothérapie
Pendant cette consultation, il sera réalisé un électrocardiogramme et une échocardiographie (bidimensionnelle, 3D, strain) afin de vérifier le bon fonctionnement cardiaque.
Pour cette consultation, le cardiologue aura besoin de connaitre le traitement des patients, les antécédents et le traitement anti-cancéreux qui va être proposé. Il peut être demandé une biologie pour évaluer les facteurs de risque cardio-vasculaire (glycémie a jeun, bilan lipidique) et doser des biomarqueurs cardiaques (troponine, hormones natriurétiques).
Cette première consultation se conclura par un plan de suivi cardiologique, une optimisation de la thérapeutique, des conseils hygiéno-diététiques, des recommandations de surveillance cardiologique pendant le déroulement des cycles de chimiothérapie. Ces différentes mesures auront pour objectif de tenter de prévenir et de limiter la toxicité cardiaque du traitement oncologique.
En fonction de la chimiothérapie préconisée par l’oncologue, il sera nécessaire de consulter périodiquement le cardiologue. Cela permettra de dépister les signes précoces de cardiotoxicité liée à la chimiothérapie, d’ajuster alors la prise en charge cardiologique en proposant une thérapeutique cardio-protective. Bien souvent lorsqu’une complication cardio-vasculaire est détectée, la poursuite de la chimiothérapie est possible ; dans certains cas, celle-ci sera suspendue voire arrêtée ou modifiée.
Par ailleurs, le cancer expose également à des complications cardiaques : épanchement péricardique, embolie pulmonaire que le cardiologue sera également amené à prendre en charge.
Dépister précocement les complications cardio-vasculaires avant même l’apparition des symptômes permet de mettre en place un traitement le protégeant ce qui permettra de poursuivre la chimiothérapie et donc d’augmenter les chances de guérir du cancer.
Pourquoi un suivi cardiologique est préconisé après un traitement oncologique ?
Il est reconnu actuellement que les patients ayant eu un cancer sont des patients à risque cardio-vasculaire. En effet, 19% des malades du cancer de plus de 25 ans développent des maladies cardio-vasculaires, et jusqu’à 25 % des plus de 50 ans en sont victimes.
Les facteurs de risque de cancer et de maladie cardio-vasculaire sont pour la plupart communs. Par ailleurs, les traitements oncologiques élèvent le risque cardio-vasculaire du patient (hormonothérapie dans le cadre du cancer de la prostate…).
Les complications cardio-vasculaires liées au traitement oncologique peuvent survenir pendant la chimiothérapie mais souvent après la fin de celle-ci, de quelques mois à plusieurs dizaines d’années après…
Ainsi, la dysfonction ventriculaire gauche (insuffisance cardiaque) aux Anthracyclines peut apparaitre très à distance de l’arrêt du traitement avec une incidence entre 2 et 12 % en fonction de la dose reçue. La radiothérapie notamment médiastinale (traitement souvent proposé dans le cancer du sein gauche, cancer du poumon ou lymphome) peut être responsable avec une incidence de 10 %, plusieurs dizaines d’années plus tard, d’une coronaropathie (artère nourrissant le cœur s’obstruant) de valvulopathie (valve cardiaque défectueuse) ou de dysfonction du système électrique commandant le cœur. Fort heureusement, ces complications sont souvent accessibles à un traitement comme l’angioplastie coronaire dans le cadre des artères coronaires obstruées, la mise en place de prothèse valvulaire lorsque les valves cardiaques sont abimées, le pace maker en cas de dysfonctionnement du système électrique du cœur ou de médicaments lorsque le cœur est fatigué (insuffisance cardiaque).
Par conséquent, il sera proposé lorsque cela est nécessaire un suivi cardiologique adapté au traitement oncologique reçu afin de détecter les complications tardives. Cela permettra de dépister le plus précocement possible la survenue de ces complications et de les traiter. Chaque consultation permettra de mettre en place une stratégie de cardioprotection par des traitements et des mesures hygiéno-diététiques.
Pour conclure, au cours des dernières décennies, la mortalité globale par cancer a considérablement diminué grâce à des campagnes de dépistage précoce et d’innovations thérapeutiques. En parallèle, il émerge un nouveau risque sur la santé des patients atteints de cancer ou ayant survécu à cette maladie, il s’agit des affections cardio-vasculaires associées au cancer ou à certains de ses traitements. La cardio-oncologie permet de prendre en charge ce nouveau risque et d’améliorer encore le pronostic des patients atteints ou survivants du cancer en leur proposant un traitement cardio-vasculaire adapté et personnalisé.